Bones

Son Lux

Glassnote – 2015
par David C., le 28 juillet 2015
6

Oyez belles damoiselles, oyez gents damoiseaux: le fils de la lumière est devenu trinitaire, et l’épiphanie qui en résulte semble plutôt réjouissante… à la première écoute. Car il est toujours difficile de se relever d’un album particulièrement remarqué (genre ffff sur Télérama…): sorti en 2013, Lanterns est cet album magistral qui a révélé Ryan Lott aux oreilles de la critique - à défaut du grand public.

Ce bon Ryan en était donc à son troisième album quand il rencontra Ian Chang, batteur au groove complètement déjanté (Animal parait bien falot à côté), et Rafiq Bhatia, guitariste tout aussi allumé que son collègue percussionniste, le tout afin d’assurer l'interminable tournée qui a suivi la sortie de Lanterns, ce qui nous a valu des sessions mémorabilissimes, notamment au Café de la Danse à Paris, devant 50 personnes à Aubervilliers ou en concert privé pour La Blogothèque (certains extraits encore dispo sur Youtube). A rester sur la route toute la sainte journée, le combo a appris à s’apprivoiser, à se connaitre, à se compléter, tant dans la finesse et la virtuosité des orchestrations live que dans la communication musicale interne. Car il fallait le dresser le Lott, habitué qu’il était à se faire plaisir tout seul dans son coin. Il ne restait plus qu’à graver sur disque cette alchimie pour les siècles des siècles.

Alors oui, Bones est un album superbement maîtrisé, car l'Américain est définitivement un diamantaire de la composition. D'ailleurs, son second album, We Are Rising, avait fait l’objet d’une réédition purement instrumentale, afin de mettre en lumière les arrangements classieux. Ceux de Bones sont ainsi ciselés au millimètre près, d’une finesse ahurissante ; les compositions jonglent sur des structures rythmiques désarticulées (un des tics compositionnels de Lott), jouant sur les oppositions de dynamiques ou sur la richesse des timbres.

Mais attention. Car si les synthés analogiques réussissent à instiller une certaine dose de nostalgie chez quiconque a connu la musique électronique des années 70 (big up à M83), si la luxuriance des arrangements peut prétendre à tenir l’intérêt du musicien en éveil, l’ensemble manque cruellement de souffle et l’on se prend même à s’ennuyer fermement en écoutant cette new-wave postmoderne. Par une étrange alchimie, l’intérêt de la première écoute fond progressivement à chaque nouveau passage sur la platine, et ce malgré la relative brièveté de l’album. Une indéniable monotonie jaillit, comme si l’indiscutable virtuosité technique des trois impétrants n’arrivait pas à faire vivre la musique plus d’une minute. Il est vrai que le chant de Lott n’aide pas: les textes sont assez pauvres, très redondants, et ses interprétations sont tout de même un peu over-too much d’affèterie (ce qui était déjà le cas sur Lanterns) et manquent un peu de simplicité, même si elles n’atteignent par l’expressionnisme guindé de notre pseudo rimbaldien Matthew Bellamy.

Pour résumer: ça brille pas mal, ça clinque même un peu, mais ça sonne un peu creux quand on y retourne. Un peu tout dans l’esbroufe, pas grand-chose dans le fond. Bref on essaie de nous vendre un diamant alors qu'on est face à du zirconium. Espérons que le trio réussira à faire vivre ça en live, sinon on risque de tous mourir d'ennui lors de la prochaine tournée européenne du groupe.

Le goût des autres :
7 Yann