Body Talk Pt. 1

Robyn

Konichiwa – 2010
par Jeff, le 5 août 2010
7

Quand on sait qu'un disque, aussi bon soit-il, a aujourd'hui une durée de vie très limitée, il est encore difficile de comprendre comment Robyn a réussi à vendre son album éponyme pendant presque cinq ans sans que personne ne semble montrer des signes de lassitude. Certes, l'incubation a été progressive et admirablement gérée, et la hype aussi contenue que constante, mais quand même. Mais si certaines personnes avaient encore des doutes sur les capacités de la Suédoise à jouer les Gordon Gecko en collants fluorescents, l'année 2010 devrait une bonne fois pour toutes leur clouer le bec: l'attente fut certes longue, mais de là à imaginer que Robyn allait nous revenir avec sous le bras trois albums, il y avait de la marge. Pourtant, c'est bien en trois volets prévus pour les mois à venir que se (dé)compose Body Talk, dont nous avons affaire depuis peu au premier tiers.

On le sait, la crédibilité de Robyn est depuis de nombreuses années au zénith, notamment depuis qu'elle a quitté les sphères de la musique préformatée au début de la décennie passée pour se lancer dans l'aventure Konichiwa Records avec le succès que l'on connaît – tournée avec Madonna, fricotages avec Snoop Dogg ou Britney Spears. Et pourtant, dieu sait s'il fallait être sûr de son coup alors que des producteurs comme Max Martin, à l'origine de tubes planétaires pour Britney Spears, Katy Perry ou Pink, auraient pu continuer à faire de Robin Miriam Carlsson une chanteuse aussi viable commercialement qu'inintéressante artistiquement. Mais les risques, la Suédoise aime cela, d'autant plus qu'en bientôt 20 ans de carrière, ceux-ci ont toujours été payants. Alors pourquoi s'arrêter en si bon chemin?

Les chanteuses aujourd'hui capables de plaire autant au grand public qu'à un auditorat plus pointu ne sont pas légion. On peut citer Santigold, Beyoncé ou Gwen Stefani. C'est d'ailleurs sur les plates-bandes de cette dernière que semble évoluer Robyn avec son electro-pop ultra-catchy, à l'image du premier single « Dancing On My Own » dont la structure et le pouvoir de séduction ne sont pas sans rappeler le tube « With Every Heartbeat » qui lui a permis de crever le plafond. Sur le reste de l'album, la blonde trentenaire décline dans une étonnante variété de sonorités la recette qui fait son succès: une production pointue et léchée, reflet des tendances actuelles et mettant idéalement en valeur des refrains qui se mémorisent en quelques écoutes à peine. Ce constat est particulièrement flagrant sur les six premiers titres de Body Talk Pt. 1, qui n'est qu'un enchaînement de singles potentiels, du reggae synthétique « Dancehall Queen » produit par Diplo à la synth-pop froide de « None Of Dem » façonnée par les copains de Royksöpp en passant l'acidulé « Fembot ».

Finalement, le seul vrai problème de ce premier volet réside dans sa longueur: avec seulement huit titres pour trente minutes au compteur, cela ressemble davantage à un EP qu'à un LP à proprement parler. Par ailleurs, le disque se termine de façon assez abrupte avec deux titres qui révèlent une face plus fragile de la chanteuse, à l'image de la chanson traditionnelle suédoise « Jag vet en dejlig Rosa ». Loin d'être mauvaises, ces deux plages semblent surtout maladroitement mises en valeur. Ce qui nous laisse donc six bombes electro-pop à nous mettre sous la dent. C'est certain, on en connaît qui vendraient père et mère pour pouvoir écrire ou chanter ce genre de pépites, mais dans le cas de Robyn, cela se révèle un peu maigre. Mais on le sait, la réussite de la trilogie Body Talk ne pourra se mesurer qu'à l'aune des deux réalisations à venir. Et à cet égard, si les deux plaques à venir sont du même tonneau, le projet de la Suédoise fera indubitablement partie des grandes réussites de 2010.

Le goût des autres :
8 Thibaut 8 Laurent