Blue Songs

Hercules & Love Affair

Moshi Moshi – 2011
par Serge, le 9 février 2011
5

Il n'y a pas à tortiller. Cet album aligne les tubes. Il ne contient aucun morceau qui ne soit pas un single potentiel, un carton probable. C'est une collection immensément pop, variée, qui brasse de multiples influences, des plus obscures aux évidences. Si l'album précédent tenait principalement du revivalisme dancefloor eighties, ici, la pallette est davantage élargie: plus radiophonique que clubbing, mélangeant house vintage et disco à des clins d'oeil nettement plus grand-public et pas forcément parodiques (Grace Jones, Pet Shop Boys, etc). Pour tout dire, on a même droit à des ballades. Tout cela est donc habilement mené, manufacturé avec soin et idées. La perfection au masculin. Même si on peut regretter l'absence d'une véritable grande chanson du calibre de "Blind", qui tenait évidemment plus du standard en devenir que les simples mignardises ici étalées.

Bref, on ne tortille pas plus qu'on ne pinaille : c'est très très bien, tout cela. Il n'y a même pas à tenter de comparer ce disque à son prédécesseur, vu qu'ils n'ont pour ainsi dire pas grand-chose en commun. L'un plutôt moite et drogué, assez dissipé aussi. Celui-ci, nettement plus aéré, ensolleillé et maîtrisé. Le scénario d'un autre show, en somme, une saison 2 avec plus de moyens. Un autre show? Une saison 2? Oui, voilà. Cet album, ce n'est pas qu'une collection de chansons pop, il peut aussi être perçu comme le livret d'un spectacle transformiste, ce à quoi ressemblent définitivement les concerts de Hercules & Love Affair depuis qu'ils tournent sous la forme d'un soundsystem accompagné de divas transsexuelles.

Là non plus, ça ne pinaille pas. On peut écouter et apprécier un bon million d'artistes en occultant totalement le fait qu'ils soient gays. C'est bien sûr totalement impossible dans le cas de Hercules & Love Affair, où l'homosexualité des protagonistes est un facteur déterminant, un élément primordial, quelque chose de carrément revendiqué et surligné. Cela n'a strictement rien de critiquable, encore moins de péjoratif, c'est juste qu'il serait totalement idiot de zapper cette notion au moment de juger le disque. Nulle tentative de jouer ici son Eric Zemmour, juste la simple constatation que l'orientation sexuelle personnelle joue forcément un rôle au moment de l'appréciation de la chose. Le grand-public hétéro y voit ainsi un truc original, coloré et juste un peu vénéneux, les pédés et les branchés décryptent sous le sirop un sous-texte canaille qui leur fait apprécier (ou non) ceci à un tout autre degré. C'est pensé et voulu comme cela. Point. Autre point : des maxis pour cartonner en clubs et des chansons qui alimentent le spectacle sur scène. Voilà ce qu'est un album en 2011.

D'où cette impression d'oeuvre plus « scénarisée » que spontanée, moins héritière de la house-nation des années 80 que d'une probable volonté d'en mettre plein la vue et les oreilles, sans cynisme aucun. Autre impression ressentie: celle d'amener aux sommets de la montagne de sucre des épices de contrebande, de pervertir un poil les playlists des radios commerciales. Ce n'est en rien scandaleux qu'ils s'y essayent et iraient même bien jusqu'à mériter de gagner le ponpon, même si nous nous gardons le droit de ne pas les suivre sur ce terrain poppy et campy, les préférant nettement quand ils tabassent davantage. Une attitude gay trop décomplexée n'étant pas forcément toujours bien reçue à notre époque, il n'est toutefois pas certain qu'Hercules & Love Affair s'imposera au rayon des gros vendeurs, du moins avec cet album-ci. Il semble toutefois déjà assuré qu'on entendra beaucoup plus ce Blue Songs a priori très fédérateur dans les fêtes, les commerces et les lieux de rencontres qu'on n'y a entendu le premier, plutôt réservé aux hipsters. Et quand on parle de commerces, on ne pense pas qu'aux coiffeurs. Non, non.

Le goût des autres :
5 Gwen 7 Thibaut