Beehatch

Beehatch

Lens Records – 2008
par Simon, le 22 mai 2008
9

On aurait pu penser à un nouveau groupe indie-rock à tendance hype en voyant ce groupe débarquer au beau milieu de nulle part, mais la réalité que couvre cette étrange collaboration est bien éloignée de toutes dérives commerciales. Beehatch, voilà qui est dit, est en effet le fruit d’une collaboration riche en enseignement. D’un côté Phil Western, programmateur de génie ayant collaboré avec Nine Inch Nails ou encore avec Bryan Adams, représente à lui seul l’idée qu’on peut se faire de l’électronicien de l’ombre. De l’autre côté, Mark Spybey, digne représentant du groupe Zoviet France, ayant collaboré avec des membres de Can ou encore Faust. une union peu commune qui nous amène à se demander dans quel piège sournois nous pourrions bien tomber en compagnie de ces deux lascars.

Avec cette introduction dark-ambient, les choses semblent commencer d’une bien belle manière, installant d’emblée un climat propice à un abandon de soi au travers de méandres plutôt malsains, faut-il l’avouer. Deuxième titre et premier changement de direction, le groupe embarque pour une virée poptronica qui ne manquera pas de nous faire penser à Apparat dans une version plus torturée, avec sa ribambelle de vocaux lointains et sa reverb nébuleuse. Jusque là, le groupe marque le sans faute le plus complet. Non content d’avoir brouillé les quelques pistes sur lesquelles nous nous étions engagés quelques titres plus tôt, Beehatch continue de surprendre avec son interlude pleine de drones et autres pianos désenchantés. On repart sans autre avertissement pour une ballade ambient qui se verra entrecoupées de batteries analogiques apatrides et de bleep miroitants. On se rend vite compte que l’espace se crée de nulle part, que la musique prend une dimension presque inespérée au vu du télescopage des genres en présence. Les ritournelles noisy de « Warm And Fuzzy » retombe sur leurs pattes à l’aide d’un beat acid house sucré et bienvenu, la ballade entamée par « Kurt Said To Me » se finit dans une envolée de drill ‘n’ bass légères, les claviers cristallins de « I’m Think I’m Chinese » sur fond de xylophone font étrangement penser à Richard D. James, alors que l’ensemble jouit toujours d’une cohérence sans appel possible. Jamais hors de son sujet, le groupe est en mesure de s’essayer aux expérimentations électro-acoustiques les plus audacieuses qu’il en retomberait toujours grandi.

Cette collaboration étend justement ce champ des possibles, varie les différentes facettes sa musique pour trouver la juste phase en toute situation. En sautant de genres en genres et en mixant le tout dans un même ensemble, Beehatch réalise un exercice de style qui dépasse les intellectualismes de certains bien moins talentueux que notre duo de surdoués. Rien ne demeure fixe, tout est destiné à s’entrechoquer dans un maelstrom enivrant et irréductible, c’est en ce sens que la musique de Beehatch est une collision chirurgicalement planifiée, se surélevant chaque fois un peu plus au rythme des ruptures incessantes. Entre ambient, noise, electronica et pop, inutile de demander à ce duo de choisir son camp, il en serait sans doute incapable et c’est tant mieux pour nous. Le goût de la juste mesure est une ligne de conduite bien trop peu respectée pour ne pas se pâmer devant une telle réalisation. Ce premier album, vous l’aurez compris, est une véritable bombe lâchée au cœur des musiques dite nouvelles (en terme de contenu). La seule chose qu’on espère à présent, c’est de ne pas attendre trop longtemps avant de pouvoir goûter à la suite. Immanquable.