Bay Dream

Culture Abuse

Epitaph Records – 2018
par Alex, le 2 juillet 2018
6

En 2016, Culture Abuse est à un carrefour. La perte de proches, les problèmes de drogues, la difficulté de vivre à San Francisco, l’exil forcé de leurs domiciles et l'emménagement dans le minuscule espace de répétition, et les soucis de santé du chanteur David Kelling (il souffre d'infirmité motrice cérébrale) sont autant de problèmes auxquels le groupe de punk doit faire face. Un groupe sans repères donc, au bord de la dérive après seulement deux EP’s, et qui doit réagir rapidement. Anxieux mais pas naïfs, les cinq gaillards décident d’y croire et s’en remettent à leur musique pour aller de l’avant. Avec Peach, brillant premier LP, Culture Abuse convertit ses démons en énergie créatrice: les Américains y démontrent leur propension à produire un garage punk parfois outrancier mais souvent sincère, emprunt de nihilisme mais planqué derrière un optimisme de facade. La sauce prend, le bouche-a-oreille également, et la machine est (re)lancée.

Nous voilà deux ans plus tard. Et en deux ans, les choses changent. De la plus confidentielle mais non moins fiable maison 6131 Records au mastodonte Epitaph Records, des concerts un peu foireux dans d’obscurs clubs jusqu’à la première partie de Green Day à Londres, en passant par les tournées avec les potes de Nothing, Turnstile ou Touche Amore, les Californiens semblent avoir réussi à surmonter tous les aléas d’un quotidien chaotique pour enfin atteindre un semblant de sérénité. Le résultat de ce long cheminement se nomme Bay Dream

Certaines formations attendent parfois de sortir un troisième voire quatrième album avant de passer à autre chose mais sur Bay Dream, Culture Abuse fait directement le grand écart avec un disque qui délaisse le côté plus agressif des débuts au profit de mélodies plus enjouées et d’une attitude résolument positive. Dès les premières notes, il ne faut pas bien longtemps pour se rendre compte que ce côté « chien fou » est mis de côté, et que le groupe met dans la pop dans sa marmite grunge/punk/hardcore. La production plutôt propre assurée par Carlos de la Garza, qui a déjà pu travailler avec Paramore ou M83, n’y est d'ailleurs pas étrangère, et entre les guitares parfois réminiscentes des 90’s et des gimmick vocaux façon teenager, il se dégage de tout cela un indéniable sentiment d’insouciance. En fait on a souvent l’impression en écoutant ces morceaux de se retrouver dans un van entourés de potes parcourant la côte ouest des US et dont la bande-son du roadtrip se composerait du meilleur de Weezer, des Beach Boys et des Ramones

Tout cela est bien chouette en ces périodes de forte chaleur, mais l’absence de cet aspect débridé au profit d’une attitude plus posée peut être dommageable sur l’ensemble de ces 10 titres, parfois avares en énergie. Culture Abuse continue de prôner le fun, l’amour et la liberté, maintenant qu’il semble enfin pouvoir y goûter, mais tend tout de même à gentiment se répéter par instants. Bien sûr certains titres montrent encore une volonté de parfois se la jouer plus couillue ("Calm E" ou "Dozy" sont probablement les deux seuls morceaux qui auraient pu figurer sur le précédent album) mais pour la fougue, il faudra repasser. Un bon disque dans l'ensemble, qui sent l’été, le soleil californien, les moments entre copains à partager des joints, et qui malgré ses quelques défauts, permet au groupe d’élargir sa palette par rapport à des débuts crasseux pas très maitrisés. Dans le fond, Culture Abuse s’est toujours foutu des genres ou des critiques car Culture Abuse sera toujours plus punk que les autres.