Arms Around A Vision

Girls Names

Tough Love Records – 2015
par Jeff, le 6 novembre 2015
8

Entre les cd-r tous tristounets, les liens privés Soundcloud, les injonctions au téléchargement sur Sendspace, les copies promo à l’artwork photocopié ou l'occasionnel disque sous blister (une espèce de Graal pour le scribouillard bénévole), il y a quelque chose d'éreintant et de déprimant à essayer de suivre le rythme qu’impose une actualité musicale désireuse de nous faire découvrir à peu près toutes les 48 heures la nouvelle perle rare qui changera la face de la musique pour les deux semaines qui viennent - y'a des attachés de presse qui se rendent pas compte des couillonnades qu'ils débitent, vous avez pas idée.

Bref, quand le détecteur à conneries de notre cerveau se met surchauffer, il est bon de voir tomber un disque en droite provenance de chez Tough Love Records. Parce qu’on sait qu’il est de labels dont l’amour du travail bien fait et les habituelles exigences en font des valeurs sûres. Et l'honorable maison basée à Leeds fait résolument partie de cette catégorie. Elle n’est certes pas encore arrivée au niveau de qualité qu’on retrouve chez les grosses machines de la constellation rock indé, mais la sortie à intervalles réguliers de très chouettes plaques suffit à notre bonheur de mélomane un peu paumé, comme en témoignent les récentes livraisons de Cymbals Eat Guitars, Communions ou Autobahn. Autobahn justement. Assez facile, à l’écoute de ce second album de Girls Names, de trouver des similitudes avec le groupe anglais dont le Dissemble a été synonyme de grosse claque post-punk - on a encore les joues endolories alors que l’on publie ces lignes. Ici aussi, on pense très rapidement à Joy Division, à Interpol, à Bauhaus. Bref, on pense à plein de groupes qui nous font aimer l’automne et qui ont érigé la noirceur en art de vivre.

À la seule différence près que chez les Nord-Irlandais de Girls Names, il a été décidé qu’on ne tirerait pas la tronche à longueur d’année, que la lumière devait elle aussi avoir voix au chapitre. Alors sur ce troisième album, ce qu’on entend surtout, c’est cette volonté permanente d’équilibrer le propos, de jouer sur les nuances et les couleurs, de ne jamais se laisser complètement submerger par la sinistrose. Un exercice plus complexe qu'il n'en a l'air, mais qui porte ses fruits sur ce troisième album : Arms Around A Vision est un disque plein, gavé de reliefs, de couleurs et d’émotions. C'est aussi un disque qui envoie chier le temps qui passe, se fout des modes et encule la hype - il est sorti en 2015, mais il aurait tout aussi bien pu faire notre bonheur en 2005, en 1995 ou en 1985. C'est enfin un disque qui trouve un bel équilibre entre singles potentiels qui te remplissent le corps caverneux de sang dès le première écoute et pistes moins immédiates qui te caressent délicatement les testiboules lors des passages suivants sur la platine. Bref, c'est un disque qu'il est très très bien.

Le goût des autres :
8 Olivier