Are You Satisfied ?

Slaves

Girl Fight Records – 2015
par Amaury L, le 23 juin 2015
8

Slaves (à ne pas confondre avec le groupe de post-hardcore expérimental californien), c'est des racines blues et un zèle punk. Jouons-la Stéphane Bern pour commencer : 

En 1837, Théophile Gauthier en avait ras la touffe de l'art boursouflé de son temps et couvrait d'éloges les tableaux du peintre Francisco de Zurbaràn, arguant que "[leur] disposition en est des plus simples et des plus naïves", qu'on n'y trouvait "aucun arrangement, aucun effet pour dramatiser" et que ceux-ci représentaient "le sujet seul dans toute son austérité naïve". Si on se réfère à ces considérations découlant directement de sa doctrine de "L'Art pour L'Art", nul doute que ce bon vieux Théophile aurait surkiffé le tout premier album de Slaves, ce duo originaire du Kent que la presse anglaise nous présente souvent comme la relève du rock cradingue et frondeur ramené à sa plus simple expression.

Car c'est un fait: à l'écoute d'Are You Satisfied ?, on se dit que la jeunesse prolétaire d'Angleterre a bien renoué avec le rock qui n'y va pas avec le dos de la main morte. Bref, on est pas chez Alt-J. Ici, ça crépite, ça ricane, ça te bouscule sans s'excuser et ça te pète à la gueule en toute impunité. Indéniablement, ce punk-blues minimaliste ne demande rien à personne. Juste un peu de bière et de second degré bien tassé. C'est pour cela que, dans un sens, ça ne sert pas à grand chose de développer de grandes théories à son propos. Comme disait Diderot à propos d'une marine de Joseph Vernet, "tout cela ne se décrit point et se ressent très fort."

Alors plutôt qu'un long discours, on vous propose d'aller vous familiariser avec l'univers du groupe sur Youtube. Commencez par "Cheer Up London", véritable hymne au provincialisme et à la rigolade primitive qui nous rappelle fort à propos que nous sommes tous "dead already" et donc, que ça ne sert à rien de spéculer sur la métaphysique - et encore moins de citer Diderot pour faire joli dans une chronique. Poursuivez ensuite avec "Feed The Mantaray" qui voit les Laurel et Hardy du punk angliche se lancer dans une course poursuite où ceux-ci tentent d'échapper à la voracité d'une raie manta, dans un décor bikinibottomien filmé en qualité VHS.  Si tout ce petit manège vous botte, il y a fort à parier que le reste de l'album vous fera le même effet. Ah oui, vous remarquerez aussi très vite que c'est le chanteur Isaac Holman qui assure la batterie et qu'il se tient debout pour cogner sur ses fûts; preuve ultime que ces types se foutent plus ou moins de leur apparence, bien qu'ils cultivent la sacro-sainte et très codifiée esthétique du lad dont la seconde peau est un polo Fred Perry et/ou un survet' Adidas. 

Bref, Slaves n'est certainement pas le groupe anglais qui va réussir à redonner du vrai contenu philosophique au NME mais au moins, c'est frais et ça te retourne bien le tronche. Ajoutez à cela une ardeur dans l'interprétation vocale qu'on peut faire remonter aux chanteurs des premiers groupes de hardcore (ou plus prosaïquement à Pelle Alkmvist des Hives) et un certain goût pour le non-sens, et vous obtenez un groupe qu'il va falloir prendre au sérieux. Enfin, pas trop quand même.

Le goût des autres :