Are We There

Sharon Van Etten

Jagjaguwar – 2014
par Denis, le 28 mai 2014
9

2014 a bien commencé pour les amateurs de folk indie : après les excellentes livraisons d’Angel Olsen et de Sun Kil Moon, la sortie du quatrième album de Sharon Van Etten en faisait trépigner plus d’un. Je vais tenter d’être bref, pour une fois : Are We There confirme toutes les attentes. À tel point qu’après avoir déjà été plus qu’emballé par Tramp (Jagjaguwar, 2012), on peine à renouveler les éloges. Chaque titre de ce disque se présente comme le maillon d’une indestructible chaîne d'acier idéal, niellée d'or stellaire. Bon, d’accord, l’expression n’est pas de moi : on la doit à Charles Cros, et peut-être qu’il en faisait un peu trop. Mais si le poète avait connu Sharon Van Etten, nul doute qu’il aurait mis les bouchées doubles pour mettre au point son modèle de phonographe avant de se faire damer le pion par Edison. Are We There est un modèle de finesse et de pureté, où les arrangements font office d’écrin pour la voix faussement nonchalante de la chanteuse et où l’ensemble est si bien balancé qu’il est difficile de distinguer les meilleurs moments ― la totalité du disque, en fait, est un “meilleur moment”.

Épinglons tout de même l’efficacité d’“Afraid of Nothing”, premier titre dont la montée en puissance happe l’auditeur ; les irrésistibles montées dans les aigus durant le poignant “Our Love” et l’envoi formidable que constitue “Every Time the Sun Comes Up”, coup de grâce lancinant, dont on vous avait déjà présenté une brillante exécution live. La grande qualité de l’écriture est également à relever, dont on pourra juger sur pièce en parcourant les manuscrits de ces onze historiettes douces-amères. Et quand le niveau du texte semble moins exigeant, comme sur “Your Love Is Killing Me”, la forme a tellement d’allure qu’elle parvient à faire oublier les paroles dignes d’un blog adolescent (“Break my leg so I won’t walk to you / Cut my tongue so I can’t talk to you / Burn my skin so I can’t feel you / Stab my eyes  so I can’t see you”) pour les transformer en une touchante déclaration post-rupture.  “Sirens are far from me”, chante Sharon Van Etten dans “Break Me”. C’est bien essayé, mais difficile à faire croire quand on possède leur voix, leur aura et leur puissance hypnotique.

Le goût des autres :