Ardor

BIG|BRAVE

Southern Lord – 2017
par Albin, le 13 novembre 2017
9

Dans l’ombre de Sunn O))), Earth ou Boris, le label américain Southern Lord s’efforce d’élargir son catalogue à des formations qui n’entrent pas forcément dans les standards qu’il définit depuis bientôt 20 années d’activité. On a pu en attester fin octobre à Amsterdam, à l’occasion d’un événement qui rassemblait ce que la bande à O’Malley et Anderson propose de mieux, du punk hardcore de Vitamin X au glam-rock progressif en lycra et paillettes de Circle, avec bien entendu Sunn O))) en secousse sismique finale.

Parmi les poulains les plus prometteurs de l’écurie, c’est sans conteste BIG|BRAVE qui tire le mieux son épingle du jeu, tant sur scène que sur disque. Le trio canadien signe avec Ardor son troisième album, le deuxième sur Southern Lord après Au De La paru en 2015.

Autant jouer franc jeu : cet album est monumental. En trois titres qui affichent chacun entre 12 et 16 minutes, BIG|BRAVE fracasse tous les codes du drone, de l’indie et de la noise. Trop élégant pour être qualifié de « metal », Ardor s’empare des recettes qui ont fait le succès de ces différents genres, les dépouille, les passe aux Kärcher, les bichonne et les ressert dans une version 24 carats.

Imaginez le tempo lent de Earth, une batterie aussi physique que celle de Boris, le chant complexe du Blonde Redhead de sa meilleure période, soit l’album In an Expression of the Inexpressible et la noirceur de Evol de Sonic Youth et vous aurez une idée de ce qu’aurait pu évoquer ce disque. Pourtant, vous êtes encore loin du compte, car au-delà des références et d’un talent indéniables, BIG|BRAVE ajoute une touche personnelle que le groupe n’a héritée de personne : une classe folle. C’est ce genre de raffinement qui vous arrache des larmes de bonheur à l’écoute d’une guitare qui part en larsen.

Le titre « Lull », subtilement coupé en deux sur la version vinyle, illustre à merveille ce paradoxe : le morceau commence par une sorte de ballade drone, presque monotone, avant de crouler sous un tonnerre de feedbacks, toujours ponctué par une batterie revancharde et ici souligné par des arrangements de cordes signés Jessica Moss (Thee Silver Mt. Zion).

Cet album est un grand écart majestueux et permanent. La batterie qui sonne comme une gifle, les dérapages à peine contrôlés des guitares et le tempo d’une lenteur pachydermique n’écornent en rien l’impression de nervosité frivole qui se dégage de l’ensemble des trois morceaux. Au final, on se retrouve à apprécier la beauté presque pop d’un disque tellement bruyant que même les amplis sont crédités sur la pochette. Un des albums de l’année.