An Imaginary Country

Tim Hecker

Kranky – 2009
par Simon, le 20 mai 2009
7

On a d’abord eu droit au Black Sea de Fennesz, ensuite est arrivé le deuxième volume de la série Xerrox composé par Alva Noto, mais le triumvirat ne pouvait prétendre être au complet sans une nouvelle apparition de Tim Hecker. Car le Canadien, malgré son jeune âge, est l’un des piliers incontestables de cette dernière vague ambient, celle-là même qui a doublé la tranquillité de ses nappes de volutes grésillantes pour investir un nouveau terrain de jeu. Alors qu’il nous a récemment bluffés avec son septième album solo (Harmony In Ultraviolet), suivi du non moins excellent Fantasma Parastasie, Tim Hecker semble à ce stade en plein possession de ses moyens pour marquer encore un peu plus l’empreinte de son talent dans la caste des chirurgiens du silence.

Et dès les premières minutes de An Imaginary Country, Tim prend quelque peu l’auditeur à contre-pied : d’abord en apaisant d’entrée de jeu les grésillements environnants, ensuite en intégrant de surprenants éléments rythmiques dans des océans de nappes toujours aussi revigorantes. Ce qui a pu passer pour une hérésie aux yeux de certains n’empêche pas notre Canadien d’entreprendre à nouveau une virée vers des terres infiniment belles. Car c’est bien cela qui touchera l’auditeur à l’écoute de ce huitième album : sa beauté immédiate et sa naïveté presque pop, qui relèguent derrière elles la complexité de sa mise en œuvre pour passer à un cap supérieur, celui du romantisme sensoriel.

L’album tire son titre d’une citation qui fait de ce pays imaginaire une terre absente des cartes géographiques, un lieu qui ne vit que dans les espaces laissés par le cerveau à la divagation. Un titre qui correspond à merveille à la musique produite par Tim Hecker sur ce nouvel opus, qui s’apparente à ce sentiment de liberté relaté par ces personnes prétendant avoir échappé à la mort. Celles-ci aiment souvent raconter une impression de flottement qui, dans une inévitable inertie, conduit notre passager (ou mythomane c’est selon) vers un flot de lumière aveuglante. La musique de Hecker est ce puits lumineux d’où les formes s’échappent, le naturel poussant l’auditeur à imbriquer ces bouts de paysages pour reconstruire les montagnes escarpées, les poser sur des plaines à perte de vue, y faire passer les ruisseaux qui achemineront l’eau tout juste rafraîchissante, et finalement agiter au-dessus de tout ça une toile pleine de poussière d’or pour simuler une voie lactée comme il n’en existe aucune autre ailleurs. An Imaginary Country, c’est la lumière qui devient air et qui irrigue les poumons flux après flux jusqu’à la suroxygénation, moment où les sens atteignent la conscience que cette musique a dès le début cherché à provoquer.

Sans trop de surprises, Tim Hecker amène là un bon disque, qui plaira par sa simplicité et sa grâce certaine. An Imaginary Country n’a certes pas atteint les sommets qu’on avait entrevus sur Harmony In Ultraviolet mais se suffit à lui-même, consacrant de manière définitive toute la confiance qu’on peut avoir dans un producteur aussi talentueux que l’est Tim Hecker. Une valeur sûre.

Le goût des autres :
8 Nicolas