Amen & Goodbye

Yeasayer

Mute – 2016
par Quentin, le 25 mai 2016
6

S'il est vrai qu'il existe un lien entre ce que l'on voit et ce que l'on écoute, la pochette de Amen & Goodbye devrait vous aider à imaginer le foutoir qui compose le dernier album de Yeasayer. Défini comme une rencontre entre Sgt Pepper, Salvador Dali, Hieronymous Bosch et le générique d'une série pour gosses des années 90, le visuel créé par Daniel Altmejd symbolise plutôt bien les écarts de style que propose l'album. 

Annoncé par 3 teasers étranges, Amen & Goodbye se veut une œuvre complète. Le son engendre l'image qui influence le son dans un cercle infini. La création visuelle d'Altmejd et la musique que le groupe a produit ont cette même volonté: inclure l'auditeur dans un paysage complet car rempli de détails. Le problème, c'est que si le visuel est dérangeant, la musique le devient elle aussi. On leur accorde le droit de l'audace mais là où le bât blesse, c'est que si l'exercice se fait intéressant pour les acteurs principaux, il l'est nettement moins pour le spectateur. 

Sans vous gâcher le plaisir de l'écoute entière du disque, sachez que l'art-pop du groupe n'opère jamais aussi bien que sur le deuxième morceau. "I Am Chemistry" succède au très Pink Floydien "Daughters Of Cain". Livré avec un clip pour lesquels les descriptifs me manquent, le morceau a vite fait de nous rappeler que Yeasayer est capable de maîtriser son sujet. Suivi par "Silly Me", un morceau qu'il sent bon le soleil et les claviers 80's, on se surprend à tout oublier et on se vautre dans l'insouciance. Mais c'était trop beau pour durer et c'est dès le quatrième morceau que la chaîne se brise - c'est un peu tôt, vous en conviendrez.

Invoquant les énergies sacralisantes qui ont entouré la création de l'album, Yeasayer façonne une aventure spirituelle dans ce qu'elle a de meilleur (la ballade "Uma" que des Beatles des temps modernes auraient pu s'approprier) mais aussi dans ce qu'elle a de plus étrange. Et à ce titre, ça joue des coudes pour avoir la première place (mention spéciale pour "Child Prodigy" et sa minute de clavecin). On se perd également assez vite dans les "Papapapayaaaaa" écœurant de "Dead Sea Scrolls" ou dans la mélodie orientale / moyenâgeuse de "Half Asleep". Tout n'est pas pour autant à jeter ("Cold Night" est très bien dans son style) mais la tracklist souffre d'un gros manque de cohérence. 

Amen & Goodbye intègre la maîtrise pop que Yeasayer ne doit plus démontrer (rappelez vous All Hour Cymbals) mais s'embourbe à vouloir faire revivre des références bibliques passées. On le disait plus haut, l'exercice et l'audace valent le coup mais le tout fini par noyer l'auditeur dans un concept qui le dépasse. Fonctionnant mieux au titre par titre que dans son ensemble, on se demande si cet album n'aurait pas gagné à n'être qu'un EP.